Journal: année 2000


Soumya Ammar Khodja




Mardi 4 janvier

ça y est, c'est fait, nous basculons dans l'autre siècle! Sont-ils loin ces frères du XIX ème siècle!? Lis le dernier tome du Journal des Goncourt. Cela me fait drôle et me touche de lire sur une époque finissante, à la la veille d'une autre siècle nouveau.
Avons du mal à redémarrer et pourtant il le faut. Lecture de Jean Sénac. Article sur Assia Djebar. Démarrage des conférences sur l'altérité. Note de lecture sur le Rimbaud de Jean Colas.

Jeudi 20 janvier

« Conférence » de la poète Lydie D. Une île, non intéressée par les autres. Concernée par elle-même comme tout le monde. Une île froide qui n'ouvre pas de chemin vers les autres.

Avril

Vacances Pâques. Le Shérif et You, en Algérie. Am et moi, à Besançon. Programme : boulot.
Ai été en Algérie, du 7 au 24 mars. Je me suis promenée dans les rues d'Alger, avec Sam, comme je ne l'ai pas fait depuis longtemps. C'était bien.
Récapitulation pour les nouvelles en cours : « Aziza » : écrite; « Comme les doigts de la main » : écrite; « porter-madame » : écrite: « Un accident de parcours » : à reconstruire, réécrire.

24 avril

« Et les aurores se rallument parce que j'écris » Assia Djebar.
Brouillon d'introduction : Parcourir l'œuvre d'Assia Djebar, s'arrêter à ses thématiques essentielles, carrefours de questionnements où s'entrelacent écriture de soi et écriture de l'Histoire... etc.

Vendredi 28 avril

Plutôt fatiguée cette journée. Ai tout de même travaillé sur les nouvelles (et non sur Virginia). Pour le moment, j'ai 8 nouvelles bien terminées. « Constantine » n'est pas terminée et doit être encore retravaillée.
Demain Jacques M. et Nicole viennent dîner. Jari fric, soupe de blé concassé et couscous. Je me suis promis de cuisiner à 17h. Avant, je dois avoir bossé la nouvelle en instance et mon article sur Virginia W.

Mercredi

De retour de Constantine-pour Colloque : « Des femmes et des textes dans l'espace maghrébin ». Contact fort et parfois triste.

Dimanche 14 juin

Je n'ai pas encore rédigé ma conférence sur « L'art poétique d'Assia Djebar ». J'ai laissé traîner et je ne sais comment entreprendre la chose.
Des nouvelles du côté de mes nouvelles : je réécris « Aujourd'hui, je suis mieux qu'avant ». Pas encore terminée.
J'ai connu, après mon retour de Constantine et de Paris, une grande fatigue physique et morale. Plus la force de rien.

Jeudi 22 juin

Retiens ce titre : Ma mère de Richard Ford, éditions de L'Olivier. Né au Mississipi en 1944, l'un des chefs de file du nouveau roman américain. Cf Saison ardente.
Recopie cette phrase d'Amin Maalouf : « Si vous saviez le bonheur que j'éprouve à passer les frontières sans que personne ne m'arrête! »

Dimanche 25 juin

Lecture d'Enfance de Nathalie Sarraute. Au début, j'ai un peu hésité à y entrer... Je ne l'ai plus lâché. N.S a voulu retrouver des moments particuliers de son enfance, le plus simplement, avec rigueur et clarté, sans employer une forme narrative classique. Pas mal.

Vendredi 30 juin

Suis ces jours-ci avec C. et D. C'est bien. Des choses, certainement, s'approfondissent. Mais comme toujours, sentiments mitigés. D'avoir trop dit ou pas assez dit.

Lundi 3 juillet

Insomnie matinale, depuis 4h du mat. Il est 5h29. Toute la nuit : éclairs et bruits de tonnerre. Pluie en ce moment. Ici, la nature ne supporte pas la chaleur.

Mercredi 5 juillet

Anniversaire de l'Indépendance de l'Algérie. Le 38ème. Ménage toute la journée. Du côté de l'écriture, rien.
Relevé dans Entretiens avec Nathalie Sarraute (menés par Simone Benmussa): S.B : « Tu m'as souvent dit que tu te sentais neutre, ni homme ni femme » N.S : « Rien, ni vieux, ni jeune. Cela vous donne une grande liberté »

Vendredi 7 juillet

Rapporté de la médiathèque : Journal de guerre de Simone de Beauvoir, Nouvelles de Tchékov, Si vieillesse pouvait de Doris Lessing.
Déjeuner chez L. avec N. et ses enfants et une amie. Très sympa. N. est atteinte de la maladie de Parkinson. Pas envie de dire qu'elle me fait de la peine mais ressens un fort sentiment de compassion et de solidarité. La maladie, une sinistre loterie.
L en forme, jolie. L'idée d'aller en vacances y contribue. M'a remis la clé de sa maison dans le cas où je voudrais venir y écrire. Promenade avec le shérif au Centre-ville de Besançon.

Dimanche 10 juillet

J'apprends, par le Journal de Beauvoir, qu'il était interdit de jouer aux mots croisés par crainte de message chiffré. Le journal commence le 1er septembre 1939. Cette citation : « Le Bouton dit que cette guerre lui fait l'effet d'une « guerre-attrape » comme dans les boutiques de farces-attrapes : une guerre en trompe-l'œil, toute pareille à une vraie, mais sans rien dedans. C'est bien l'impression qu'on a en ce moment, si ça pouvait durer. »
Il a plu toute la journée. Il est minuit et quelques et il pleut encore. A la télé, sur Arte, une théma consacrée à Maria Callas. Belle et émouvante. L'air de Norma est beau, d'une beauté douloureuse.

Mardi 25 juillet

Séance de cinéma dans un des grands complexes Mégarama. Y ai vu Gladiator en compagnie du shérif.
You, quant à lui, a regardé, Promenons-nous dans le bois, un film d'horreur si j'ai bien compris.
Gladiator : pas mal en tant que spectacle, l'ai vu en souvenir du film Spartacus. D'ailleurs, clin d'œil appuyé sur la présence du gladiateur noir, image de bonté. Grande salle donc, film basé sur les scènes de combat, dans l'arène. Beaucoup de bruit. j'en suis sortie assourdie et légèrement nauséeuse.
Le matin : enlevé les mauvaises herbes du jardin avec You qui maugréait. Nous sommes à Boult, chez A. et J.

Samedi 29 juillet

Il fait un temps choquant pour le mois de juillet, surtout pendant la journée. Pluie, grisaille. Non loin du soir, le ciel se dégage et l'air devient plus doux.
Journal de Beauvoir : ça y est, elle entre dans la guerre! Le journal prend une autre tournure, un autre accent. Ce n'est plus du quotidien, au jour le jour. Elle résume les jours et travaille sur leur mémoire. La guerre a fait son entrée. L'exode. S'intéresse aux gens, les décrit.

Lundi 31 juillet

Je pense à Simone de B. qui se réveillait le matin, avec une impression de bonheur et de complétude. Moi, l'impression de montagne à affronter, à soulever ne me quitte pas tout à fait. Tout m'assaille en même temps. (Sa force - à S.B, était de ne pas se laisser entamer...)
Lire Journal à quatre mains des sœurs Groult.

Mercredi 2 août

Écoute sur France-Inter André Markowicz, traducteur, entre autres, de Dostoïevski. Dit : « L'identité, un thème policier. Personne n'a à décider de mon identité. Je suis juif, sans être sioniste, russe, français » Raconte que sa grand-mère âgée de 90 ans était venue le voir, les années 80, je crois. Elle avait voulu rester un peu plus et la préfecture avait refusé de lui prolonger le visa.

25 août

Suis à Jayat, chez les Fontaine.

30 août

Retour à Besançon. Quelques jours donc passés à Jayat. A peine une coupure de soleil et de repos. Pendant mon absence, bêtise de You. Résultat : un nez un peu tordu. J'espère qu'il va être arrangé. Assia s'en est occupée. Vient dîner, ce soir.
Mes lectures de chevet, des lectures désordonnées, discontinues. Dois lire le livre d'Anouar. J'ai terminé d'écrire exactement sept nouvelles. (Il reste la phrase finale de Le fils de mon père à revoir). Sinon, j'écris « Lettre à mon père », pour un Concours, organisé, je crois, par Télérama pour « Les nuits de la correspondance »

Mardi 12 septembre

Dans L'habitude d'aimer, recueil de nouvelles de Doris Lessing, Albin Michel, 1992, une nouvelle a particulièrement retenu mon attention : « Chambre 193 ». Terrifiante. Un mari, quatre enfants, une maison, un jardin, une aide ménagère et au bout du compte, la folie. La tension panique et le suicide.

Vendredi 6 octobre

Comme d'habitude, je dors mal la veille d'une activité nouvelle : conférence, voyage... Demain, je commence un atelier d'écriture.

Vendredi 9 novembre

Émission Pivot sur Massacres. Saisis ces mots : «... hantés... et tellement seuls » de Jean Hatzfeld. Son livre Dans le nu de la vie contient les paroles des victimes du génocide au Rwanda.
Autres livres : Je veux témoigner jusqu'au bout de Victor Klemperer, de 1933 à 1941, de 1942 à 1945. La France virile de Fabrice Virgili.

Lundi 27 novembre

Am est depuis à peu près une dizaine de jours aux USA, à Washington, chez sa correspondante. J'ai trouvé le rythme pour écrire : pratiquement sans arrêt, dès le matin. C'est assez miraculeux!

Mercredi 6 décembre

Pour les conférences à venir sur le journal intime, prévoir la première conférence consacrée à l'historique du genre. Lire le livre de Perrot. Faire des incursions en littérature anglaise et russe pour y déterminer la place du journal intime.
Ne pas oublier la conférence sur Prévert.

Mardi 12 décembre

Hier, atelier d'écriture à Croqu'Livres. Intéressant. Mise en contact avec les gens.

Vendredi 22 décembre

Corvée des achats de cadeaux.